Women’s Initiatives for Gender Justice (WI) est une organisation internationale qui vise à défendre les droits humains des femmes et qui plaide pour la justice basée sur le genre dans des processus de paix et pour la responsabilité pour des crimes sexuels ou sexistes liés au conflit armé par l’entremise de tribunaux nationaux et de la Cour Pénale Internationale (CPI).

WI travaille avec les femmes et les communautés les plus touchées par les conflits armés et nous avons stratégiquement concentré notre travail dans des pays faisant l’objet d’enquêtes de la CPI afin de renforcer et tirer parti des efforts internationaux avec du travail simultané pour des réponses nationales pour des crimes sexuels ou sexistes liés au conflit armé.

Notre travail en République démocratique du Congo

WI travaille dans l’est de la RDC depuis 2006. On a commencé à documenter des crimes sexuels ou sexistes liés au conflit armé et, depuis là, on a élargi nos programmes et nos partenariats dans trois provinces – Nord-Kivu, Sud-Kivu et Province Orientale. Avec plus de 145 membres locaux (organisations et réseaux) et cinq points focaux provinciaux et thématiques, WI est profondément  engagé et impliqué dans le travail avec des communautés locales en réponse à la violence militarisée actuelle et situation de conflit armé dans l’est de la RDC. 

Notre méthodologie consiste à établir des partenariats avec des défenseurs locaux des droits des femmes pour designer et implémenter des programmes de base plaidant pour la paix, la responsabilité pour des crimes sexuels et sexistes, des meilleures réponses pour les victimes/survivants et une compréhension plus profonde de l’impact des conflits armés sur les femmes et les filles.

Nos programmes actuels comprennent : la documentation de crimes sexuels et sexistes liés au conflit armé afin de soutenir et plaider en faveur de poursuites pour ces crimes devant la CPI et les tribunaux nationaux ; un projet de Maison de Transit qui soutient plus de 800 victimes de violence sexuelle chaque année pour avoir accès au soutien médial et psychologique dont 85% requièrent et reçoivent des chirurgies pour des blessures liées au viol ; des évènements de plaidoyer et des projections de notre documentaire Nos voix comptent avec des décideurs, des acteurs du secteur de la justice, des leaders culturels, des communautés affectées par le conflit et des victimes/survivants ; et du plaidoyer auprès des décideurs nationaux, des ministères gouvernementaux, des parlementaires, la Conseillère Spéciale du Chef de l’Etat en matière de lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants pour promouvoir la justice basée sur le genre.

Projet de Responsabilité Stratégique au Sud-Kivu

Contexte

Selon le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence sexuelle liée au conflit armé pour la période janvier-décembre 2015, le FNUAP a enregistré 1.900 cas de violence sexuelle liée au conflit armé par des auteurs armés au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et dans les anciennes provinces de l’Orientale et du Katanga. Parmi les cas vérifiés par la MONUSCO, la majorité des auteurs étaient présumés membres des groupes armés (74%) et les forces de sécurité gouvernementales présumés responsables de 26% des incidents confirmés. Les soldats des FARDC étaient les principaux auteurs identifiés du côté du Gouvernement, dont les membres de la police nationale ont été identifiés comme les auteurs présumés d’un petit nombre d’incidents. Les données du HCR ont identifié le Sud-Kivu comme la province la plus touchée par la violence sexuelle liée au conflit armé en 2015.

Plusieurs des auteurs de violence sexuelle restent actifs dans le conflit, et l’écart d’impunité en cours semble encourager les auteurs et réduire la motivation des victimes à rapporter tels incidents.

De nombreux acteurs répondent à ces questions. En décembre 2015, le Président de la RDC a donné un discours au niveau national dans lequel il a promis une tolérance zéro par rapport à la violence sexuelle, et sa Conseillère Spéciale en matière de lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants a lancé une campagne pour améliorer l’accès des victimes à la justice et aux services. En mars 2015, les FARDC ont inauguré une commission chargée de superviser son plan d’action contre la violence sexuelle. Dans 50 procès de violence sexuelle liée au conflit armé, 109 membres des forces de sécurité ont été condamnés à des peines de prison entre 1 et 20 ans.

Malgré quelques signes de progrès, la violence sexuelle liée au conflit armé continue de prévaloir.

Projet de Responsabilité Stratégique

En 2017, WI lance un nouveau projet de responsabilité stratégique au Sud-Kivu afin de renforcer la responsabilité pour des crimes sexuels et sexistes liés au conflit armé par la formation et le soutien aux acteurs clés du processus de la justice – la police, les procureurs et les juges – dans des tribunaux et territoires présélectionnés.

Entre 2014 et 2016, WI a mené une revue de littérature et a entrepris un vaste processus de mappage et de consultation avec des partenaires locaux et des organisations qui visent à défendre les droits des femmes. À partir de ce processus, WI et ses partenaires ont identifié des tribunaux sur lesquels se concentrer pendant les trois prochaines années de ce projet pilote. Les tribunaux militaires et civils ont été choisis en tenant en compte des statistiques selon lesquelles les auteurs de violence sexuelle liée au conflit armé sont des soldats, des miliciens, des membres des services de sécurité et des civils.

Les tribunaux sélectionnés pour ce projet sont : deux tribunaux militaires de garnison situés à Uvira et Bukavu, qui exercent juridiction dans neuf territoires touchés par le conflit armé (Bukavu, Fizi, Idjwi, Kabare, Kalehe, Mwenga, Shabunda, Uvira et Walungu) ; et deux tribunaux de grande instance (TGI) situés à Uvira et Kavumu couvrant cinq territoires touchés par le conflit armé (Uvira, Fizi, Idjwi, Kalehe et Kabare). Parmi tous ces territoires, le projet portera essentiellement sur les crimes sexuels et sexistes liés au conflit armé dans les territoires de Kabare, Kalehe, Uvira et Fizi.

Le personnel judicaire du TGI de Bukavu, de la Cour d’appel militaire (Cour militaire) située à Bukavu, ainsi que de la Cour d’appel civile (Cour d’appel) seront également invités à participer aux activités de formation.

Ces tribunaux ont été choisis en fonction de quelques critères, y compris qu’ils sont : situés dans des régions où la prévalence des crimes sexuels et sexistes liés au conflit armé est élevée ; accessibles aux partenaires de WI pour effectuer des missions de documentation et inclure des endroits dans lesquels nous avons déjà effectué des missions dans le passé ; des endroits avec des cliniques médicales pour le renvoi de victimes/survivants ; et des endroits avec de la sécurité suffisante pour faciliter des visites.

Consultations

Entre le 21 novembre et le 15 décembre 2016, WI procède à des consultations avec les procureurs et juges attribués à ces tribunaux sélectionnés ainsi que postes de police dans les territoires couverts par les tribunaux sélectionnés. Ces consultations visent à permettre à WI d’identifier et d’apprendre plus sur les défis, les obstacles et les opportunités spécifiques dans ces territoires afin de renforcer la responsabilité nationale pour les crimes sexuels et sexistes liés au conflit armé. En examinant chaque étape du processus d’enquête, de poursuite et de jugement, les consultations permettront d’identifier les questions clés à aborder afin de finalement renforcer l’accès et les résultats pour les victimes de ces crimes. Les consultations impliqueront aussi d’autres membres du personnel du secteur de la justice en dehors des tribunaux et territoires sélectionnés pour solliciter l’avis d’un large éventail d’acteurs essentiels dans ces domaines. Les consultations auront lieu à Bukavu et à Uvira.

WI distribue des questionnaires adaptés à chaque acteur essentiel (police, procureurs et juges) afin de solliciter leur expérience, leurs défis et leurs approches en matière d’enquête, de poursuite ou de jugement de ces crimes. Cette étape du projet comprendra également la consultation de ceux qui interagissent avec les secteurs de la sécurité et de la justice, en particulier les organisations de la société civile qui font des plaidoyers pour les victimes de la violence sexuelle et sexiste. Nous sommes très intéressés dans leur expérience du system de justice et les obstacles que les victimes confrontent lorsqu’elles cherchent à obtenir recours pour des crimes sexuels et sexistes. Nous consulterons aussi les organisations qui ont dispensé de la formation au secteur de la justice et de la sécurité afin d’apprendre et de tirer parti de leurs expériences dans la conception des programmes de formation. Nous savons que certains membres du personnel du secteur de la sécurité et de la justice ont reçu beaucoup de formation, tandis que d’autres n’ont pas encore profité de ces possibilités.

Formation et plus…

Suite à ces consultations, WI et ses partenaires de formation (experts locaux et internationaux) vont designer des ateliers de formation sur mesure pour chacun des acteurs de la sécurité et de la justice associés aux tribunaux militaires de garnison et TGI sélectionnés. Les ateliers de formation auront lieux en 2017 et en 2018 et les partenaires de formation dans cette phase du projet comprendront l’équipe d’experts du Royaume-Uni pour la prévention de la violence sexuelle dans les conflits et l’Association Internationale des Femmes Juges.

En mettant l’accent sur le personnel clé des tribunaux sélectionnés, nous essayons d’élaborer un modèle adapté au contexte et aux défis spécifiques à chaque étape du processus de justice (rapportage, enquêtes, poursuites, arbitrage, jugements et condamnations) et dans les territoires sélectionnés afin de trouver des solutions ensemble et d’appuyer le progrès en vue d’une plus grande responsabilité pour des crimes sexuels et sexistes liés au conflit armé.

L’un des éléments distinctifs de ce projet est qu’au-delà de la formation, il y aura :

  • un processus de soutien pour tous ceux formés ;
  • du plaidoyer local et monitoring des enquêtes et dossiers devant les tribunaux sélectionnés par des partenaires de WI ;
  • du soutien pour le projet par des partenaires locaux qui entreprendront des missions de documentation sur des crimes sexuels et sexistes liés au conflit, et assisteront avec la liaison entre les victimes de ces crimes sexuels et sexistes et la police pour les phases de rapportage et d’enquête ;
  • et une évaluation initiale à la fin des trois premières années pour évaluer le progrès réalisé dans chacun des tribunaux sélectionnés.

Nous sommes très reconnaissants de votre participation dans le processus de consultation et nous nous réjouissons de travailler avec vous sur ce projet.